12/05/2020

Méthode d’appréciation du risque de confusion – CJUE 4 mars 2020

Dans une décision du 4 mars 2020 (C-328/18P Equivalenza Manufactory) la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) répond à plusieurs questions concernant l’appréciation du risque de confusion entre deux marques.

 

Le 16 décembre 2014, Equivalenza Manufactory a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO pour le signe figuratif Black Label By Equivalenza notamment pour les produits de la classe 3 « Parfums ». En 2015, ITM Entreprises a formé opposition à l’enregistrement de cette marque au motif de l’existence d’un risque de confusion avec sa marque figurative antérieure internationale Labell désignant plusieurs États membres de l’Union européenne et visant les « [e]aux de Cologne, [les] déodorants à usage personnel (parfum) [et les] parfums ».

 

Par décision du 2 mars 2016, la division d’opposition de l’EUIPO a fait droit à l’opposition formée par ITM Entreprises. Equivalenza Manufactory a alors introduit un recours en janvier 2017 devant le Tribunal de l’Union européenne qui a annulé la décision litigieuse. L’EUIPO a par la suite formé un pourvoi devant la CJUE tendant à voir prononcer l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne.

 

Dans sa décision du 4 mars dernier, la CJUE a fait droit aux demandes de l’EUIPO. Dans cet arrêt, annulant l’arrêt du Tribunal, la CJUE apporte deux précisions utiles quant à l’appréciation du risque de confusion entre deux signes.

 

La Cour précise tout d’abord que les conditions de commercialisation des produits n’interviennent qu’au stade de l’appréciation globale du risque de confusion.

 

Traditionnellement, la jurisprudence de la CJUE précise que l’appréciation globale du risque de confusion suppose d’examiner tous les facteurs des cas d’espèce et juge que pour déterminer le degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle de deux signes, il faut tenir compte de la catégorie de produits ou de services en cause ou des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer c-342/97 du 22 juin 1999).

 

Cette jurisprudence a donné lieu à des applications divergentes par le juge de l’Union européenne en ce sens que les conditions de commercialisation ont pu être prises en compte au stade, selon le cas, de l’appréciation de la similitude des signes en conflit (approche « souple »), ou de l’appréciation globale du risque de confusion (approche « stricte »). Les conclusions de l’avocat général dans la présente affaire semblaient privilégier cette seconde approche.

 

Dans cet arrêt, la CJUE tranche en faveur de la théorie « stricte » et considère que les conditions de commercialisation relèvent de l’étape de l’appréciation globale du risque de confusion et non de celle de l’appréciation de la similitude entre les signes en conflit (point 70 de l’arrêt).

 

Dans un second temps, la Cour de justice met en avant le potentiel effet neutralisant que peuvent avoir des différences conceptuelles fortes entre deux signes, similaires d’un point de vue phonétique et visuel.

 

Pour constater un tel effet, la Cour précise qu’il est nécessaire qu’au moins un des signes examinés ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de telle sorte que ce public soit susceptible de la saisir directement. Ce n’est que si cette condition est remplie que le juge peut faire l’économie de l’appréciation globale du risque de confusion en présence d’une impression d’ensemble différente, en dépit de l’existence, entre eux, de certains éléments de similitude sur le plan visuel ou phonétique.