Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 janvier 2020, 19-12.011, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 janvier 2020




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 105 FS-P+B

Pourvoi n° Y 19-12.011




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020

La Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation (SASCA), société en nom collectif, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-12.011 contre le jugement rendu le 30 janvier 2019 par le tribunal d'instance de Villejuif (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat CGT SASCA, dont le siège est [...],

2°/ à la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT), dont le siège est [...],

3°/ à M. A... L..., domicilié [...],

4°/ au syndicat SECIF CFDT, dont le siège est [...],

5°/ au syndicat CFE-CGC, dont le siège est [...],

6°/ au syndicat SICTAME UNSA, dont le siège est [...],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation (SASCA), et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2019 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre.

Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Sur le moyen unique

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Villejuif, 30 janvier 2019), que dans le cadre de l'organisation des élections pour la mise en place d'un comité social et économique, la Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation (la société) a invité les organisations syndicales à une négociation préélectorale ; qu'ayant constaté l'échec de ces négociations, l'employeur a, par décision unilatérale, décidé de la mise en place d'un comité social et économique unique ; que cette décision a été contestée devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), lequel a, par décision du 8 octobre 2018, reconnu l'existence de six établissements distincts ; que la société a contesté la décision du DIRECCTE devant le tribunal d'instance ;

Attendu que la société fait grief au jugement de la débouter de sa demande visant à mettre en place un conseil social et économique unique en son sein, d'adopter la décision n° 18-023 du DIRECCTE d'Ile-de-France et de reconnaître le caractère d'établissement distinct aux sites de Mulhouse, Lyon, Marseille, Nice, Toulouse et Orly alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à celui qui se prévaut du caractère distinct d'un établissement d'en apporter la preuve ; qu'en retenant que la société ne démontrait pas, par la production d'un courriel du directeur des opérations en date du 19 avril 2017, relatif à la réunion annuelle du comité exécutif, l'absence d'autonomie des chefs de station en matière budgétaire, quand il revenait au syndicat CGT de justifier que le représentant de l'employeur sur chaque site opérationnel disposait d'un pouvoir de décision en matière d'élaboration de budgets, le tribunal d'instance, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil ;

2°/ que, selon l'article L. 2313-4 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du même code, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'il en résulte que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; que le seul fait que soient établis des budgets spécifiques à plusieurs sites de l'entreprise en raison de la taille de ces établissements et que le chef de station dispose d'un pouvoir de proposition en matière d'élaboration de ces budgets ne permet pas de caractériser l'existence de l'autonomie de décision dont doit disposer le responsable d'établissement dans la conduite de l'activité économique de celui-ci ; qu'en jugeant du contraire, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2313-1 et L. 2313-4 du code du travail ;

3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour déclarer avérée l'autonomie des chefs de station en matière de budget, le tribunal d'instance a relevé qu'il résulte de la fiche de poste du « chef de station » que ce dernier participe à « l'élaboration des budgets de fonctionnement et d'investissement de la station avec le siège », sans précision sur un quelconque pouvoir décisionnel du siège, et que le chef de station est en outre tenu d'assurer « la mise en oeuvre et le suivi comptable du budget » ; qu'en se déterminant ainsi sur ce seul document dont se prévalait le syndicat CGT sans examiner la « délégation de pouvoir du chef de station » produite par la société, document signé par tous les responsables d'établissement, duquel il ressortait, d'une part, que les propositions de budget de fonctionnement et d'investissement devaient être approuvées par la direction, d'autre part, que, dans la mise en oeuvre du budget, le chef de station ne pouvait engager de dépenses au-delà de 3 000 euros sans la contresignature du directeur des opérations et qu'il devait également faire contresigner toutes les commandes d'investissement, le tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société faisait valoir dans ses écritures devant le tribunal le montant limité du pouvoir d'engagement des chefs de station en matière de dépenses et leur absence de pouvoir en matière de commandes d'investissement de quelque nature que ce soit ainsi que l'absence de personnel administratif dans les stations et le fait que la comptabilité de la société était externalisée ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs des conclusions de l'employeur dont se déduisait l'absence d'effectivité des pouvoirs évoqués dans la fiche de poste de chef de station visée par le jugement et le caractère extrêmement réduit des pouvoirs réellement confiés aux intéressés, en matière d'exécution du service, le tribunal d'instance a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que seule la faculté pour un chef d'établissement de disposer d'un pouvoir de recrutement, de promotion, de sanction et d'un pouvoir de décision en matière de rupture du contrat de travail à l'égard des salariés exerçant leur activité au sein de l'établissement caractérise une autonomie en matière de gestion du personnel susceptible de justifier l'implantation d'un comité social et économique d'établissement ; qu'en déduisant la qualité d'établissement distinct des six stations aviation de la société d'éléments inopérants tels que le fait que le chef de station était chargé d'organiser et de coordonner l'activité du personnel, de diriger l'équipe de collaborateurs en contrôlant l'emploi du temps des salariés, que, par ailleurs, il était auparavant appelé à présider les réunions des délégués du personnel et qu'il était garant du respect du règlement intérieur unique de l'entreprise, ou encore de l'exercice par les chefs de station du pouvoir de délivrer des avertissements cependant qu'il constatait dans le même temps que l'existence de compétences centralisées au niveau du siège en matière de gestion du personnel n'était pas contestée, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;

6°/ qu'en affirmant l'existence d'une autonomie des différents sites de l'entreprise sans rechercher, comme il y était invité, si ce n'était pas au niveau de la direction du siège, et non à celui de chaque site opérationnel, qu'étaient engagés et promus les salariés et que se décidaient les sanctions disciplinaires autres que mineures ainsi que les mesures concernant la rupture de leur contrat de travail, soient tous les actes engageant l'entreprise en matière de gestion du personnel, le tribunal d'instance a privé sa décision de base au regard de l'article L. 2313-4 du code du travail ;

7°/ qu'à supposer adoptée par le tribunal d'instance la motivation du DIRECCTE ayant trait à l'existence au sein de chaque site aéroportuaire d'une communauté de travail ayant des intérêts propres de nature à générer des réclamations communes et spécifiques, le tribunal d'instance, qui a reconnu l'existence de six établissements distincts au sein de la société en se fondant sur des énonciations inopérantes, a violé les articles L. 2313-1 et L. 2313-4 du code du travail ;

Mais attendu d'abord que, lorsqu'ils résultent d'une décision unilatérale de l'employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ;

Attendu ensuite que, lorsqu'ils sont saisis d'un recours dirigé contre la décision unilatérale de l'employeur, le DIRECCTE et le tribunal d'instance se fondent, pour apprécier l'existence d'établissements distincts au regard du critère d'autonomie de gestion ainsi défini, sur les documents relatifs à l'organisation interne de l'entreprise que fournit l'employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l'appui de leur contestation de la décision unilatérale prise par ce dernier ;

Attendu enfin que la centralisation de fonctions support ou l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l'autonomie de gestion des responsables d'établissement ;

Et attendu que le tribunal d'instance a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve fournis par les parties, constaté qu'il existe au sein de la société six stations avions disposant d'une implantation géographique distincte, et que s'agissant, d'une part, de l'autonomie budgétaire, chacune de ces stations dispose d'un budget spécifique décidé par le siège sur proposition du chef de station, lequel, au regard de sa fiche de poste, participe à « l'élaboration des budgets de fonctionnement et d'investissement de la station avec le siège », d'autre part, de l'autonomie en matière de gestion du personnel, que le chef de station dispose d'une compétence de « management du personnel social », est garant du respect du réglement intérieur, mène des entretiens individuels de carrière et des entretiens préalables à une éventuelle sanction, peut prononcer des avertissements, et qu'il présidait jusqu'à présent le CHSCT et animait les réunions des délégués du personnel ; qu'il a pu en déduire que, même si certaines compétences en matière budgétaire et de gestion du personnel étaient centralisées au niveau du siège, les six stations avions constituaient chacune un établissement distinct au sens de la mise en place d'un CSE ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Société d'avitaillement et de stockage de carburant aviation (SASCA)

Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir débouté la société SASCA de sa demande visant à mettre en place un conseil social et économique unique en son sein, adopté la décision n°18-023 de la DIRECCTE d'Ile-de-France et reconnu le caractère d'établissement distinct aux sites de Mulhouse, Lyon, Marseille, Nice, Toulouse et Orly ;

AUX MOTIFS QUE sur le fond, aux tenues de l'article L. 2313-1 du code du travail, un comité social et économique est mis en place au niveau de l'entreprise ; que des comités sociaux et économiques d'établissement et un comité social et économique central d'entreprise sont constitués dans les entreprises d'au moins cinquante salariés comportant au moins deux établissements distincts ; que l'article L. 2313-2 du code du travail dispose qu'un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa, de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts ; que selon l'article L.2313-3 du code précité, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées à l'article L. 2313-2 et en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts ; que l'article L. 2313-4 du code du travail prévoit qu'en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L.2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'aux termes de l'article L. 2313-5, en cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ; que lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative, suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraine la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin ; que la décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ; qu'en l'espèce, il convient de déterminer l'existence ou non d'établissements distincts au sein de la SASCA, qui résulte de l'appréciation du degré d'autonomie de leur chef de station ; qu'en ce sens, il ressort de la décision de la DIRECCTE du 8 octobre 2018 que l'enquête réalisée dans les locaux du siège social de la société SASCA le 19 septembre 2018 a permis d'établir que le six stations avions de la société SASCA, à savoir Lyon, Marseille, Mulhouse, Nice, Orly et Toulouse, disposent d'une implantation géographique distincte, ce qui n'est pas contesté par les parties ; que sur le moyen tiré de l'absence d'autonomie des sites de l'entreprise en matière budgétaire, la SASCA argue que le chef de stations émet des propositions au directeur des opérations basé à Rungis, mais que l'approbation du siège est requise pour sa mise en oeuvre ; que si elle produit à l'appui de son argumentation un exemple de courriel adressé par Monsieur R... T..., directeur des opérations, en date du 19 avril 2017, au sujet de la réunion du "COMEX" (comité exécutif), force est de constater qu'un tel document ne démontre pas l'absence d'autonomie des chefs de station en matière budgétaire ; qu'en revanche, la SASCA admet l'existence de budget spécifique à plusieurs sites de l'entreprise, compte-tenu de la taille de ces derniers et le pouvoir de proposition qui incombe au chef de station en la matière ; qu'au surplus, il ressort de la fiche de poste du "chef de station" établie le 28 novembre 2012 que ce dernier participe à "l'élaboration des budgets de fonctionnement et d'investissement de la station avec le siège", sans précision sur un quelconque pouvoir décisionnel du siège, et que le chef de station est en outre tenu d'assurer "la mise en oeuvre et le suivi comptable" du budget ainsi que "la mise en place des indicateurs de suivi nécessaires" ; qu'ainsi, l'autonomie des chefs de station en matière de budget est avérée ; que sur le moyen tiré de l'absence d'autonomie des chefs de station en matière de gestion du personnel, déterminant de l'existence d'établissements distincts au sein de l'entreprise, il ressort de la fiche de fonction du chef de station que ce dernier dispose de compétence en matière de "management du personnel social" ; qu'ainsi, le chef de station est chargé d'organiser l'activité, et d'adapter les effectifs en tenant compte des contraintes d'exploitation ; qu'il ressort de ce même document que le chef de station "dirige et motive l'équipe des collaborateurs", "planifie et coordonne les fonctions de chacun", "préside le CHSCT, anime les réunions des délégués du personnel " et qu'il est "garant du respect du règlement intérieur de la législation sociale " ; qu'en outre, la partie défenderesse soutient que le chef de station mène des entretiens individuels de carrière et des entretiens préalables à une éventuelle sanction, ce dont elle justifie par la production aux débats d'une lettre adressée par le chef de station à un salarié le 15 octobre 2013 faisant état d'un entretien tenu au sujet du non-respect des consignes de sécurité et sanctionnant ce dernier d'un avertissement, ce qui démontre une implication du chef de station en matière de gestion du personnel ; que si la SASCA reconnaît l'exercice par le chef de station d'un pouvoir disciplinaire en matière d'avertissement, elle souligne son caractère résiduel et indique que seul le siège est compétent pour émettre des sanctions d'une gravité supérieure ; qu'elle verse aux débats le règlement unique de l'entreprise, qui témoigne selon elle d'une gestion centralisée du personnel ; qu'enfin, elle communique un contrat de travail daté du 11 octobre 2013, un avenant en date du 4 juillet 2018 concernant les fonctions de chef de piste sur le site de Lyon et une lettre relative à la cessation anticipée d'un salarié de l'entreprise, signés entre les salariés d'une part et le directeur de ressources humaines ou le gérant de la société d'autre part ; que cependant, si l'existence de compétences centralisées au niveau du siège n'est pas contestée par les défendeurs, il découle de la fiche de poste précitée, de l'exercice par les chefs de station d'un pouvoir disciplinaire, du contrôle exercé par ces derniers sur l'emploi du temps des salariés et du respect du règlement intérieur une autonomie des différents sites de l'entreprise en matière de gestion du personnel ; qu'en conséquence, compte-tenu de l'implantation géographique distincte des six sites de Lyon, Marseille, Mulhouse, Nice, Orly et Toulouse, de leur autonomie en matière de gestion du personnel, et de budget, il y a lieu de reconnaître à chacun de ces derniers le caractère d'établissement distinct ;

ET AUX AUTRES MOTIFS, à les supposés adoptés par le Tribunal d'instance, QUE
chaque station constitue une communauté de travail ayant des intérêts propres de nature à générer des réclamations communes et spécifiques puisque chaque aéroport a ses problématiques particulières ; que les conditions de travail sont spécifiques à chaque plateforme aéroportuaire de part le type de véhicules, les locaux ainsi que les entreprises et interlocuteurs ;

ALORS D'UNE PART QU'il appartient à celui qui se prévaut du caractère distinct d'un établissement d'en apporter la preuve ; qu'en retenant que la société SASCA ne démontrait pas, par la production d'un courriel du directeur des opérations en date du 19 avril 2017, relatif à la réunion annuelle du comité exécutif, l'absence d'autonomie des chefs de station en matière budgétaire, quand il revenait au syndicat CGT de justifier que le représentant de l'employeur sur chaque site opérationnel disposait d'un pouvoir de décision en matière d'élaboration de budgets, le Tribunal d'instance, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QUE selon l'article L. 2313-4 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L.2313-3 du même code, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'il en résulte que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; que le seul fait que soient établis des budgets spécifiques à plusieurs sites de l'entreprise en raison de la taille de ces établissements et que le chef de station dispose d'un pouvoir de proposition en matière d'élaboration de ces budgets ne permet pas de caractériser l'existence de l'autonomie de décision dont doit disposer le responsable d'établissement dans la conduite de l'activité économique de celui-ci ; qu'en jugeant du contraire, le Tribunal d'instance a violé les articles L. 2313-1 et L. 2313-4 du code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, et en tout état de cause, QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour déclarer avérée l'autonomie des chefs de station en matière de budget, le tribunal d'instance a relevé qu'il résulte de la fiche de poste du « chef de station » que ce dernier participe à « l'élaboration des budgets de fonctionnement et d'investissement de la station avec le siège », sans précision sur un quelconque pouvoir décisionnel du siège et que le chef de station est en outre tenu d'assurer « la mise en oeuvre et le suivi comptable du budget » ; qu'en se déterminant ainsi sur ce seul document dont se prévalait le syndicat CGT sans examiner la « délégation de pouvoir du chef de station » produite par la société SASCA, document signé par tous les responsables d'établissement duquel il ressortait, d'une part, que les propositions de budget de fonctionnement et d'investissement devaient être approuvées par la direction, d'autre part, que dans la mise en oeuvre du budget, le chef de station ne pouvait engager de dépenses au-delà de 3000 euros sans la contresignature du directeur des opérations et qu'il devait également faire contresigner toutes les commandes d'investissement, la Tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS DE QUATRIEME PART QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société SASCA faisait valoir dans ses écritures devant le Tribunal le montant limité du pouvoir d'engagement des chefs de station en matière de dépenses et leur absence de pouvoir en matière de commandes d'investissement de quelque nature que ce soit ainsi que l'absence de personnel administratif dans les stations et le fait que la comptabilité de la société était externalisée ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs des conclusions de l'employeur dont se déduisait l'absence d'effectivité des pouvoirs évoqués dans la fiche de poste de chef de station visée par le jugement et le caractère extrêmement réduit des pouvoirs réellement confiés aux intéressés, en matière d'exécution du service, le Tribunal a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS DE CINQUIEME PART, et en tout état de cause, QUE seule la faculté pour un chef d'établissement de disposer d'un pouvoir de recrutement, de promotion, de sanction et d'un pouvoir de décision en matière de rupture du contrat de travail à l'égard des salariés exerçant leur activité au sein de l'établissement caractérise une autonomie en matière de gestion du personnel susceptible de justifier l'implantation d'un comité social et économique d'établissement ; qu'en déduisant la qualité d'établissement distinct des six stations aviation de la société SASCA d'éléments inopérants tels que le fait que le chef de station était chargé d'organiser et de coordonner l'activité du personnel, de diriger l'équipe de collaborateurs en contrôlant l'emploi du temps des salariés, que, par ailleurs, il était auparavant appelé à présider les réunions des délégués du personnel et qu'il était garant du respect du règlement intérieur unique de l'entreprise, ou encore de l'exercice par les chefs de station du pouvoir de délivrer des avertissements cependant qu'il constatait dans le même temps que l'existence de compétences centralisées au niveau du siège en matière de gestion du personnel n'était pas contestée, le Tribunal d'instance a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;

ALORS DE SIXIEME PART QU'en affirmant l'existence d'une autonomie des différents sites de l'entreprise sans rechercher, comme il y était invité, si ce n'était pas au niveau de la direction du siège, et non à celui de chaque site opérationnel, qu'étaient engagés et promus les salariés et que se décidaient les sanctions disciplinaires autres que mineures ainsi que les mesures concernant la rupture de leur contrat de travail, soient tous les actes engageant l'entreprise en matière de gestion du personnel, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base au regard de l'article L. 2313-4 du code du travail ;

ET ALORS ENFIN QU'à supposer adoptée par le Tribunal d'instance la motivation de la DIRECCTE ayant trait à l'existence au sein de chaque site aéroportuaire d'une communauté de travail ayant des intérêts propres de nature à générer des réclamations communes et spécifiques, le Tribunal qui a reconnu l'existence de six établissements distincts au sein de la société SASCA en se fondant sur des énonciations inopérantes, a violé les articles L. 2313-1 et L. 2313-4 du code du travail. ECLI:FR:CCASS:2020:SO00105
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