17/10/2019

TVA sur marge des marchands de biens immobiliers : l’administration réaffirme sa position

Par une réponse ministérielle du 24 septembre 2019, n°1835 Falorni, le Ministère de l’économie réaffirme une position doctrinale contestée relative au régime de TVA sur marge et sanctionnée à maintes reprises par les juges administratifs.

Pour rappel, en principe la TVA est due sur la valeur totale des livraisons et prestations réalisées par un assujetti.

Par exception, l’assiette de la TVA peut dans certains cas être limitée à la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition du bien cédé (i.e., à la marge réalisée par le vendeur) ; dans l’hypothèse de la cession d’un terrain à bâtir ou d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans (avec option pour la TVA dans ce dernier cas), la TVA est appliquée sur la marge lorsque leur acquisition n’a pas ouvert droit à déduction (CGI, art. 268). Ainsi, le bénéfice de ce régime est subordonné à l’unique condition légale de l’absence d’exercice du droit à déduction de la TVA lors de l’acquisition du bien cédé.

Néanmoins, bien que le régime de TVA sur la marge soit clairement défini par la loi, la doctrine administrative subordonnait l’octroi de ce régime au respect de deux conditions supplémentaires : le bien revendu devait être identique au bien acquis quant à sa qualification juridique (par exemple, l’acquisition d’un immeuble bâti en vue de sa démolition et de la revente du terrain en qualité de « terrain à bâtir » ne permet pas, selon l’administration, de bénéficier du régime de la TVA sur marge à défaut d’identité de qualification juridique entre le bien acquis et cédé) et quant à ses caractéristiques physiques (ce qui implique qu’un lotisseur achetant un terrain en vue de sa division parcellaire suivie de sa revente en lot ne peut pas prétendre au bénéfice du régime de la TVA sur marge, à défaut d’identité physique entre le bien acquis et cédé. Dans ce cas, l’administration exigeait que la division fût antérieure à l’acquisition par le lotisseur ou qu’un document d’arpentage fût établi préalablement à l’acquisition faisant état de la division à venir, toutes conditions que parvenaient difficilement à remplir les professionnels de l’immobilier).

Cette position doctrinale, avait été déjà condamnée et jugée illégale par les tribunaux administratifs, au motif que les conditions d’identité physique et juridique n’étaient pas exigées par la loi et n’avaient par conséquent pas à être satisfaites pour l’application du régime de la TVA sur la marge (notamment TA Grenoble 14 novembre 2016 n° 1403397 ; TA Montpellier 4 décembre 2017 n° 1602270).

Malgré l’opposition affirmée des juges, il faudra attendre la réponse ministérielle Vogel (Rép. Vogel, 17 mai 2018, n°4171) pour que l’administration revienne partiellement sur sa doctrine. A cette occasion, le critère de l’identité physique a été abandonné.

Le critère de l’identité de qualification juridique demeurant, les juges ont de nouveau censuré l’application de cette doctrine administrative (notamment : CAA Lyon 20 décembre 2018, SARL Promialp, n° 17LY03359 ; CAA de LYON, du 25 juin 2019, 18LY00671 ; CAA de Marseille du 12 avril 2019 n° 18MA00802).

Plus récemment encore, la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon 27 août 2019 n°19LY01266) a eu l’occasion de juger à propos de la revente d’un terrain à bâtir dont l’acquisition n’avait pas ouvert droit à déduction que « La circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession ne saurait par elle-même faire obstacle à l’application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au sens de l’article 268 du code général des impôts ».

La jurisprudence est constante et s’accorde à condamner fermement la doctrine administrative. Néanmoins, dans sa récente réponse ministérielle publiée, le Gouvernement a réaffirmé la position stricte de l’administration fiscale en subordonnant l’application du régime de TVA sur la marge à une identité juridique entre le bien acquis et le bien cédé (Rép. Falorni n° 1835 : AN 24/09/2019).

L’administration maintient une doctrine illégale contre vents et marées. Nul doute que les juges auront à l’avenir encore leur mot à dire. Quant aux marchands de biens, ils ne doivent pas hésiter à critiquer les décisions de rectification prises à leur encontre par les services fiscaux sur le fondement de l’identité juridique.